
La musique de film : origines
Comme je vous l’avais annoncé, de nouveaux auteurs vont faire leur apparition sur Pertinence Rétinienne. Chacun avec son domaine de spécialité. Ainsi, Chris Franco, compositeur et auteur, vous prépare une série d’article sur la musique de film. Il commence ici avec les origines.
Bien.
Selon l’entrée française qui lui est consacrée sur l’encyclopédie en ligne Wikipédia, la musique est “un art et une activité culturelle consistant à combiner sons et silences au cours du temps”. Plutôt clair. Son histoire remonte à, justement, la Préhistoire, et il semble impossible d’en donner une date d’apparition précise. Les musicologues, les compositeurs et compositrices ont chacun leur propre vision, des philosophes pensent que les êtres humains ont su chanter et jouer de la musique avant de savoir prononcer des mots (Rousseau), d’autres que la musique peut être un danger pour les mœurs et l’âme (Platon)…
Bref, il y a beaucoup de choses à en dire, et beaucoup ont été dites.
Je vais donc plutôt vous parler de ce qui nous concerne plus directement : la musique de film. Et pour tout ce qui concerne l’art de “combiner des images animés et des fondus au noir” (personne ne dit ça), je vous invite à jeter un oeil aux articles de mon collègue Quentin Porte, hôte remarquable et capitaine ô combien talentueux de ce navire appelé Pertinence Rétinienne (j’ai bon patron ?).
Un peu d’histoire d’abord !
Concernant l’histoire de la musique AU cinéma il faut s’imaginer dans les conditions de réception des premiers balbutiements de cet art, à la fin du 19ème siècle. Pas de son sur la bande, certainement pas d’enceintes qui entourent le spectateur comme dans un cocon bruyant, rien de tout ce que nous connaissons aujourd’hui. Il faut plutôt imaginer une forme indistincte qui parfois se révèle dans la lumière crue du projecteur, cachée en partie par la fumée des cigares et cigarettes. Vous le voyez ? Caché dans ce coin, devant ce meuble d’où sortent des accords et des mélodies changeantes? … oui ! C’est bien un pianiste !

En effet, pendant un temps, le ou les musiciens devaient être présent dans la salle pour pouvoir offrir un soutien musical à l’image animé. Il faut attendre le Phono-Cinéma-Théâtre et surtout les Phonoscènes réalisées par Alice Guy pour observer un dispositif technique permettant de reproduire son et image dans le même moment de projection, avec cependant un inconvénient : jamais la musique n’y fait autre chose que se reproduire elle-même. En gros, on ne peut avoir que des concerts filmés.
A cette époque, le musicien présent dans la salle de projection a donc encore un avantage. Improvisateur, prêt à s’adapter aux différents (et nombreux!) soucis techniques qui peuvent survenir, il peut véritablement dialoguer avec l’image, en soulignant l’action, les émotions, et en égayant la lecture des “cartons”.

C’est tout ?
Non : la musique peut également commenter, distraire, surprendre, anticiper…ou ne rien faire du tout ! Rien de neuf sous le soleil, la musique faisait déjà tout cela dans l’Opéra ou dans la “musique à programme”, mais lorsqu’elle peut enfin techniquement être posée sur la bande au même titre que l’image, sa puissance évocatrice multi-millénaire va se trouver affinée, renforcée, démultipliée.
Une étape importante est l’arrivée d’un des outils les plus élaborés du musicien à l’époque de l’apparition du cinéma (et probablement encore aujourd’hui) : l’orchestre. Puisqu’on peut enregistrer et reproduire la musique jouée par plusieurs musiciens et écrite pour eux, pourquoi s’en priver ? L’orchestre amène avec lui une manière de penser la musique très académique, héritée de l’Opéra et de la musique à programme donc, mais aussi du ballet, et il n’y a alors que peu de respirations, peu de silences, la musique est partout, tout le temps. Finalement c’est lorsque les dialogues et les bruitages deviennent de plus en plus présents que la musique, en laissant de la place, devient plus subtile, plus juste (plus… parlante?).. Less is more, comme on dit…
La musique devient alors un outil à disposition du réalisateur, du scénariste, elle n’est plus là pour réagir seulement à ce qu’il se passe à l’image, mais permet d’être une couleur supplémentaire sur la palette, un moyen de raconter ce qu’il se passe au-delà ! Grâce aux synchronismes les plus fins, le compositeur peut s’accorder avec précision à l’histoire.
Nous verrons tout ça en détail dans un prochain article !

Chris