AU-DELA DES MOTS de Thomas Guttierrez – Le Court du Mois

AU-DELA DES MOTS de Thomas Guttierrez – Le Court du Mois

3 juillet 2020 0 Par pertinence.retinienne

Au-delà des Mots - Thomas Guttierrez

Pour ceux qui suivent mon actualité professionnelle, vous n’êtes pas sans savoir que je suis dans une période assez chargée entre tournage, réalisation et écriture. Le Court du Mois de Juin était sensé être mon favori suite à l’Appel à Film de Genre que j’avais lancé il y a quelques mois.Mais malheureusement, je n’ai pas encore eu le temps de voir TOUS les films reçu… Cependant, je vous propose de découvrir l’un d’entre eux qui a retenu toute mon attention. Dès que je l’ai vu, j’ai tout de suite su que je voulais faire un article dessus. Je vous propose donc de découvrir dès maintenant Au-delà des mots de Thomas GUTTIERREZ, produit par UP FILMS en 2019. Je vous proposerais probablement un autre court métrage de genre dans l’été issu des différents films que j’ai reçu. 

INTERVIEW : Rencontre avec Thomas Guttierrez

Salut Thomas et merci de m’avoir fait parvenir ton court métrage Au-delà des mots. Avant de rentrer dans le vif du sujet pourrais-tu présenter ton parcours en quelques mots ?

Merci une nouvelle fois pour cette belle opportunité que tu donnes à mon film Au-delà des mots. Je suis né en 1976 à Vénissieux, dans une banlieue populaire de Lyon. Des parents adorables, le dernier d’une fratrie de 3. Tout petit j’aimais beaucoup jouer tout seul, me raconter des histoires, créer des personnages, mettre en scène mes Legos. Ca ne m’empêchait pas non plus de faire de grandes batailles de pommes de pins avec les copains dans les bois ! Une scolarité normal, un bac à l’arrache et un déménagement dans une autre banlieue, parisienne cette fois-ci pour intégrer l’école 3is en 1996. Deux ans plus tard, un stage pour la télé Argentine pendant la coupe du monde me jette à la figure une évidence : aimer filmer les gens et leurs histoires. Les Legos allaient prendre vie ! Suite à ça, j’ai commencé une carrière de réalisateur de pub web/tv avec en parallèle, l’envie ultra forte de faire des courts-métrages, ce qui ne m’a d’ailleurs jamais quitté.

D'accord, et du coup, dans quel contexte et conditions de productions a été réalisé ton court métrage Au-delà des mots ?

Alors, avant tout, il faut savoir une chose. Un jour je me suis réveillé avec l’idée du film, en moins de 3 ou 4 jours et  je me suis mis dans la tête que ce film, je le ferai de toute manière. Un peu borné et obstiné. Avec ma boîte de production Up Films, j’ai décidé de m’auto produire à 60% et de faire un Ulule pour compléter. Je remercie d’ailleurs les donateurs sans qui rien n’aurait été possible. Tout ça bout-à-bout, ça a fait un tout petit budget qui m’a permis tout de même de pouvoir “m’offrir” 6 jours de tournage et une équipe assez grosse pour pouvoir oublier à un certain moment la partie « Producteur » et libérer la partie Réalisateur. Parce que dans mon cas, avec un profil réal/prod, le plus compliqué est souvent de tenir le stylo du créateur d’une main, et manier la calculatrice du comptable de l’autre. Je dois en partie souligner l’importance du rôle qu’à tenu Isabelle DESALOS en rejoignant l’équipe quelques jours avant le tournage et qui a fait un boulot énorme pour permettre au tournage de se dérouler dans les conditions les meilleures possibles.

Nous avons tourné 95% des plans dans une seule et même maison, quasi abandonnée avec juste ce qu’il faut comme courant et sans chauffage à moins de 10 degrés au mois de février. Là, j’aimerais juste dire une nouvelle fois un immense merci à toute l’équipe !

Qu’est-ce qui t’a inspiré cette histoire ? Est-elle inspirée de faits réels ou purement fictionnels ? Et pourquoi un film sur la résistance à travers les mots ?

J’avais entendu parlé d’un écrivain russe emprisonné de très longues années et qui avait déclaré à sa sortie du goulag que ce qui l’avait fait tenir, c’est que privé de tout support matériel, il avait raconté ses textes à ses co-détenus. Partant de là, j’ai saisi l’importance de la transmission des oeuvres. Je me souviens que dans le petit village de mon enfance, il était écrit sur le fronton du cimetière : “ton âme survivra tant que tes enfants et les enfants de tes enfants chériront ta mémoire”. Transmission, héritage, amour du prochain, création, autant de valeurs fortes que j’avais envie d’explorer et d’exprimer à travers un nouveau projet.

J’ai de très nombreuses années été dyslexique. Le mot a donc toujours été pour moi très puissant et même un peu mystérieux, sans la maîtrise duquel il était impossible de survivre dans cette société. Je suis quelqu’un qui lit peu mais qui respecte le livre évidemment. Mais pour moi, la vertu du mot juste n’est jamais aussi importante qu’à l’oral. 

Pour aller plus loin encore, j’ai voulu donner aux poèmes de Pierre une importance capitale pour son peuple et son avenir qu’il se doit de prendre en main.

 

Un gros enjeu dans ce film a été de donner une vision universel du combat contre l’oppression qu’un peuple peut avoir sur un autre. J’ai voulu faire oublier au spectateur des notions de temps et de lieux, pour en quelques sortes lui dire que des peuples ont toujours voulu brisé d’autres peuples depuis que l’homme est homme et que certains d’entre-eux ont donné leurs vies pour lutter contre l’obscurantisme. Par le choix des décors et par l’énorme travail de la créatrice des costumes Miel GUILLEMONAT, je suis vraiment content de l’esthétisme du film et je pense avoir réussi mon pari.

Il faut aussi souligner le super travail que nous avons fait avec Laurence PORTEIL, Hervé DAVID et Eddie CHIGNARA. Ils ont vraiment décidé de rentrer à fond dans l’aventure et de tout donner pour que les personnages prennent vie. Un énorme merci à eux.

Pourrais-tu nous parler de ce poème qui fait la force de la séquence finale ? Est-ce un poème écris POUR le film ?

Je trouve que la recherche du mot juste et qui transmet la plus belle des émotions est un exercice formidable. Encore une fois la tradition orale est pour moi pas forcément la plus efficiente, mais en tous cas la plus belle. 

Le poème? Et bien c’est une création originale. J’en suis l’auteur. Au début, je me suis dis “va pas embêter quelqu’un pour écrire ça. Pose quelques mots à la suite les uns des autres histoire de meubler et tu te fera relire par des gens qui savent. Et le principal passera de toutes façons par l’image”. Et en fait, je me suis pris au jeu, je l’ai fait lire à certains membres de l’équipe et à quelques amis proches à la critique aussi libre qu’acerbe. Comme pour avoir une sorte de validation que je ne pouvais pas forcément avoir par manque de recul et de connaissances en écriture de ce type. A l’unanimité, “ils” ont décidé de garder le texte comme il est aujourd’hui. Je suis presque plutôt fier en fait que certains d’entre eux ne croyais pas de prime à bord que j’en étais l’auteur. J’ai réussi à faire illusion !

Je pense que la musicalité du poème est superbement bien mise en avant par la bande originale du compositeur Polérik ROUVIERE. Nous nous sommes connus sur les bancs de l’école et jamais quitté depuis plus de 20 ans. A chaque fois c’est la même chose, je lui donne carte blanche, et après on en discute, et très souvent, j’ai pas grand chose à dire tant il connait mon univers.

Une question scénaristique pure mais qui me semble hyper importante pour ton film. Comment as-tu écrit, caractérisé en pensé la présentation de ton méchant ?

La sombre menace pour Pierre (Hervé DAVID) et Sophia (Laurence PORTEIL). Voilà ce qu’Ivan Michal Kapi représente. Elle se doit d’être aussi forte qu’inéluctable. Le mécanisme du rouleau compresseur est en marche. Un principe qui fonctionne toujours dans la narration cinématographique.

Kapi est définitivement un monstre. Un chien de guerre. Mais évidemment pas que. C’est l’apanage des vrais méchants de cinéma non?

J’ai commencé en fin de compte à écrire l’histoire de Kapi. Pour lui donner une vrai profondeur.

J’ai imaginé que Kapi est orphelin de guerre. A deux ans, il a été confié aux institutions d’un état totalitariste dans lequel il vit. A 15 ans, il est entré dans une académie militaire pour se retrouver très jeune sur les pires champs de bataille construisants l’histoire de son pays. Soldat total, servant aveuglément les thèses de l’état, il a tout donné. Pour l’exemple, et pour souligner son engagement, son gouvernement a décidé de lui offrir l’administration d’une province fraîchement annexée. De part le fait, il s’est intéressé à ce peuple qu’il devait asservir et a commencé à se cultiver. Il a développé une véritable passion pour l’art (peinture, sculpture et littérature notamment) en général, et pour la poésie de Pierre en particulier.

La traque dure depuis plusieurs années maintenant, traque pour l’homme, mais aussi pour récupérer ses poèmes.

Au-delà des mots est un film dont le découpage est particulièrement réussi ! Il me semble que tu travaille avec un storyboarder. Pourrais-tu nous parler de ta façon d’élaborer le découpage de ton film ?

Alors en fait, j’ai fait appel à un storyboarder (Toan TRAN) pour faire quelques dessins d’ambiance pour le lancement du projet Ulule. Sinon, je travail beaucoup à base de plan au sol et d’implantation. Très peu de dessin au plan mais parfois quelques croquis avec des patates et des bâtons pour les bras. Voilà mon niveau de dessin…

J’aime beaucoup l’exercice du découpage qui pour moi est une des partie essentielle de l’écriture de l’histoire. Souvent, je fais un premier découpage à base d’idées et de style. Puis, une fois que je valide les lieux, je confronte ce dernier à l’implantation des pièces pour l’enrichir et voir si les choses sont possibles. Et généralement, c’est à ce stade qu’intervient une personne essentielle à mon travail depuis de nombreuses années, le directeur de la photographie Baptiste MAGNIEN, AFC. Un mec créatif, débrouillard, lumineux et surtout terriblement sympathique.

Merci beaucoup pour toutes ces réponses ! Quelles sont tes projets à venir, j’ai cru entendre parler d’un scénario de long métrage en cours d’écriture ?

Oui effectivement. Je suis sur la fin d’écriture d’un long métrage avec mon scénariste et comparse Antoine H. LAVERNE. L’histoire d’une jeune fille déracinée qui cherche le sens de son existence et qui le trouvera à travers ses proches. En quelques sortes, si tu veux savoir où aller, regarde d’abord d’où tu viens.

Mais d’ici là, j’aimerai réaliser un court-métrage qui se passe dans l’univers de la cuisine, une autre de mes passions. Encore sans doute une histoire d’origines, de transmission et d’art.

Q.